lundi 22 février 2016

Auguste Sautelet (1800-1830), éditeur du premier livre de peintre



D'une famille normande originaire d'Amfréville-la-Campagne [Eure], sur le plateau du Neubourg, Philibert-Auguste Sautelet est né à Lancié [Rhône], le 6 pluviose An VIII [26 janvier 1800], de Marie-Antoinette Carrichon et de Nicolas-Balthazar Sautelet (1776-1842). Ce dernier ira s'établir à Cologne [Allemagne], où, professeur de langues et membre correspondant de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen depuis 1833, il termina sa carrière.

Sautelet et Balzac au collège de Vendôme
Auguste Sautelet fut le condisciple de Honoré de Balzac (1799-1850) au collège de Vendôme [Loir-et-Cher, Hôtel de Ville depuis 1982], dirigé par les Oratoriens et fort célèbre à cette époque. Ils se retrouvèrent, à la fin de 1814, à Paris, à la pension du royaliste Jacques-François Lepître (1764-1821), 9 rue Saint-Louis [37 rue de Turenne, IIIe], comme élèves au lycée Charlemagne [IVe], puis à la Faculté de droit.

Étudiant, Sautelet suivit les cours de philosophie de Théodore Jouffroy (1796-1842), au collège Bourbon [lycée Condorcet, IXe], puis d'histoire de la philosophie moderne de Victor Cousin (1792-1867), à la Sorbonne. En 1821, il participa à une réunion qui se tint dans un café de la rue Copeau [rue Lacépède, Ve], au coin de la rue de la Clef, chez un étudiant en médecine nommé Philippe Buchez (1796-1865), pour la fondation de la Charbonnerie, société française de carbonarisme.

Il fut un moment avocat d'affaires, ce qui ne l'empêcha pas de se mêler au monde de la littérature et du journalisme. Il fréquenta Étienne-Jean Delécluze (1781-1863), critique d'art, qui écrira dans son Journal :

« Sautelet, le libraire, l'un de mes amis, est un très drôle de corps. Depuis qu'il a ouvert son commerce, il se sert avec beaucoup d'adresse de ses amis, qui sont presque tous dans les lettres, pour achalander sa boutique et y faire vendre tout ce qui paraît de nouveau, tout ce qui peut flatter le goût et les idées à la mode. C'est lui qui a publié le Théâtre de Clara Gazul, les pamphlets de Courier, etc. Il fait très bien son état de libraire et de plus, est répandu dans toutes les sociétés de Paris. »

Dans cette maison habitèrent le peintre et critique d'art E. J. Delécluze
et le littérateur E. N. Viollet le Duc, père du célèbre architecte,
autour desquels se réunissaient P. L. Courier, Stendhal, Mérimée
et d'autres écrivains du groupe romantique libéral
Il rencontra, dans le « grenier » [ 4e étage] du 1 rue Chabanais [IIe], au coin de la rue Neuve-des-Petits-Champs, ceux que Delécluze rassembla à partir de 1820, parmi lesquels se trouvaient de nombreux avocats de formation : Friedrich-Albert-Alexander Stapfer (1802-1892), traducteur de Faust ; Jean-Jacques Ampère (1800-1864), épris d'Ossian ; Édouard Monod (1798-1887), enthousiaste de Byron.
Ce premier groupe, constitué d'élèves de Cousin, grossit jusqu'en 1823 : le pamphlétaire Paul-Louis Courier (1772-1825), le baron Adolphe de Mareste (1784-1867), ami de Stendhal, Stendhal (1783-1842), l'avocat saint-simonien Antoine Cerclet (1797-1849), le journaliste Prosper Duvergier de Hauranne (1798-1881), le professeur Ludovic Vitet (1802-1873), Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet le Duc (1781-1857), père du célèbre architecte et beau-frère de Delécluze.
Viendront compléter le groupe en 1824 et 1825 : Charles de Rémusat (1797-1875), Paul-François Dubois (1793-1874), le directeur du Globe, Prosper Mérimée (1803-1870), le naturaliste Victor Jacquemont (1801-1832), le botaniste Adrien de Jussieu (1797-1853), l'historien François-Auguste Mignet (1796-1884), Joseph-Victor Aubernon (1783-1851), l'helléniste Henri Patin (1793-1876), Hygin-Auguste Cavé (1796-1852) et Adolphe Dittmer (1795-1846), qui écriront Les Soirées de Neuilly (Paris, Moutardier, 1827), Théodore Leclercq (1777-1851), le comte Agénor de Gasparin (1810-1871) et son beau-frère Achille de Daunant (1786-1867).

En 1825, Sautelet reprit le brevet de Jacques-Charles Brunet (1780-1867), le 22 mars, puis s'associa avec Jean-Baptiste-Alexandre Paulin (1796-1859), le 28 avril, pour fonder un commerce de librairie 

Restaurant Champeaux, 13 place de la Bourse
et d'édition, place de la Bourse [IIe], à l'angle de la rue Vivienne et de la rue Feydeau.



Il débuta par les Œuvres complètes de Molière. Édition revue sur les textes originaux, précédée de l'éloge de Molière par Chamfort et de sa vie par Voltaire, et ornée de culs-de-lampe gravés par nos meilleurs artistes (Paris, Ambroise Dupont et Roret, A. Sautelet et Comp., Verdière, 1825, gr. in-8), édition compacte, en très petits caractères elzéviriens de Jules Didot, publiée en 5 livraisons, formant le premier volume d'une collection de Classiques.
Dès 1818, le libraire Théodore Desoer, 2 rue Christine [VIe], avait donné le prototype des éditions compactes, une édition des Essais de Montaigne, avec glossaire et table analytique, en un seul volume in-8 de près de 500 pages, imprimé par Armand Fain, place de l'Odéon [VIe], en petits caractères, sur deux colonnes. Ces éditions compactes, qui n'étaient pas faites pour être lues, mais consultées, n'ont pas enrichi la librairie.
Sautelet édita ensuite une centaine d'ouvrages, fut l'éditeur du Producteur, le dépositaire du Globe et le gérant du National.

1825



Œuvres complètes de Molière, avec des notices historiques et littéraires, précédées de sa vie par Voltaire et de son éloge par Chamfort (Paris, Sautelet, 1825-1826, 6 vol. in-8 à 2 col.). Les notices ne sont composées que de fragments, empruntés, sans réserve, aux éditions de Petitot, Auger et Taschereau.



Sept discours prononcés dans le Parlement britannique, par divers membres du ministère anglais, pendant la session de 1825 (Paris, Delaforest et Sautelet, mai 1825, in-8). Traduits de l'anglais.



Nouveau christianisme, dialogues entre un conservateur et un novateur (Paris, Bossange père et A. Sautelet et Cie, 1825, in-8), par Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon.



Œuvres complètes de Voltaire (Paris, A. Sautelet et C°, Verdière, Ambroise Dupont et C°, Rapilly, Furne, 1825-1827, 3 vol. in-8 à 2 col.).



Théatre [sic] de Clara Gazul, comédienne espagnole (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825), par Mérimée. On trouve dans quelques exemplaires un portrait de Clara Gazul qui n'est autre que celui de Merimée habillé en femme.



Code des émigrés [Seconde édition] (Paris, Bossange père, Ponthieu, Mongie, Sautelet et Compagnie, Béchet, 1825, in-8), par P. L. Le Caron, avocat.



Pèlerinages d'un Childe-Harold parisien, aux environs de la capitale, en Lorraine, en Alsace, à Lyon et en Suisse, extraits du portefeuille de M. D.-J.-C. Verfèle [Denis-Joseph-Claude Lefèvre] (Paris, Ambroise Dupont et Cie, A. Sautelet et Cie, 1825, 2 vol. in-8). Child Harold's pilgrimage (London, John Murray, 1812) est un poème de lord Byron, qui fait partie des œuvres majeures du Romantisme.



Comptabilité rurale ou Méthode abrégée et facile pour régir des biens en parties-doubles (Paris, Carpentier-Méricourt, Sautelet et Renard, 1825, in-4), par Cyrille de La Tasse, receveur des contributions directes de l'arrondissement de perception de Claye, près Paris.



Œuvres dramatiques de J. W. Goethe, traduites de l'allemand ; précédées d'une notice biographique et littéraire sur Goethe (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, 4 vol. in-8).



Journal hebdomadaire des arts et métiers […] de l'Angleterre (Paris, Charpenay et Sautelet et Ce, 1825, puis J. Degousée, Sautelet et Cie, Aimé-André, 1826, in-8).



L'Industrie et la Morale considérées dans leurs rapports avec la liberté par Charles-Barthélemy Dunoyer, ancien rédacteur du Censeur européen (Paris, A. Sautelet et Cie, 1825, in-8).



Traité de la typographie, par Henri Fournier, imprimeur (Paris, Imprimerie de H. Fournier, 1825). Au verso du faux-titre :
« SE TROUVE CHEZ
L'AUTEUR, RUE DE SEINE F. S.-G., N° 14 ;
SAUTELET ET CIE, LIBRAIRE, PLACE DE LA BOURSE. »



Histoire de la peinture en Italie, par M. de Stendhal. Seconde édition (Paris, Sautelet et CIE [sic], 1825, 2 vol. in-8). Cette deuxième édition est fictive. Stendhal essaya de vendre le stock de la première, encore presque intact, en changeant seulement la page de titre et une note de la préface.



Chefs-d'œuvre de Thomas Corneille, précédés de son éloge historique par De Boze (Paris, Sautelet, 1825).



L'Iliade d'Homère. Traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).



L'Odyssée d'Homère, traduction nouvelle par M. Dugas-Montbel (Paris, Sautelet et Compagnie, 1825, 2 vol. in-8).



Le Producteur, journal [philosophique, à partir du tome 3] de l'industrie, des sciences et des beaux-arts (Paris, Sautelet et Cie, 1825-1826, 3 vol. in-8).

1826



Œuvres complètes de J. J. Rousseau, citoyen de Genève (Paris, Verdière, A. Sautelet et C°, A. Dupont et Roret, 1826, gr. in-8 de 1.708 p. à 2 col.).




Œuvres complètes de La Fontaine ornées de trente vignettes dessinées par Devéria et gravées par Thompson (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826, gr. in-8 à 2 col.). Imprimerie de Rignoux, rue des Francs-Bourgeois-S.-Michel. Au verso du faux-titre : « H. BALZAC, ÉDITEUR-PROPRIÉTAIRE, RUE DES MARAIS-S.-GERMAIN, N° 17. » Avec une « Notice sur la vie de La Fontaine » par H. Balzac. Balzac se rendit à Alençon les 17 et 18 avril 1825 pour signer un traité avec le graveur et libraire Pierre-François Godard (1797-1864) ; le contrat sera signé le 17 avril, mais, pour une raison qu'on ignore, il ne sera pas exécuté ; en définitive, la gravure sera confiée au célèbre Thompson. Il y a 6 exemplaires du texte sur papier de Chine : on ne connait que ceux de Pixerécourt, de San Donato et de Balzac, relié par Thouvenin en demi-veau fauve, dos à nerfs, avec les initiales « H. B. »



Chefs-d'œuvre de Pierre Corneille, avec les examens de Voltaire et de La Harpe, précédés de sa vie par Fontenelle, et de son éloge par Gaillard (Paris, Sautelet, 1826, 4 vol. in-8).




Œuvres complètes de Beaumarchais, précédées d'une notice sur sa vie et ses ouvrages par La Harpe (Paris, Furne, A. Sautelet et Cie, 1826, 6 vol. in-8).



Physiologie du goût [sic], ou Méditations de gastronomie transcendante (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.

Fragmens [sic] philosophiques, par Victor Cousin (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1826, in-8).



La Revue américaine, journal mensuel (Paris, A. Sautelet et Cie, Malher et Cie, 1826-1827, 3 vol. in-8).


Proverbes dramatiques, par M. Théodore Leclercq (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826-1828, t. IV-VI, 3 vol. in-8).



Le Catholique, ouvrage périodique dans lequel on traite de l'universalité des connaissances humaines sous le point de vue de l'unité de doctrine ; publié sous la direction de M. le baron d'Eckstein (Paris, A. Sautelet et Cie, 1826-1828, 10 vol. in-8).



Histoire de Hainaut, par Jacques de Guyse (Paris, A. Sautelet et Cie, et Bruxelles, Arnold Lacrosse, 1826-1829, 7 vol. in-8, véritablement 8 volumes, le 5e volume étant subdivisé en deux). Les volumes 8 à 15 ont été publiés par Paulin, Paris, et Lacrosse, Bruxelles, 1830-1833.

Ivanhoe. Vignette de titre, t. XXXV

Œuvres complètes de sir Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, A. Sautelet et C°, 1826-1833, 84 vol. in-18). 84 vignettes de titre, 1 carte générale d'Écosse en couleurs, 29 cartes et 88 vignettes hors-texte. Les tomes 81 à 84 portent la date de 1833. Sautelet fit connaître Walter Scott en France.

1827



Vie de Napoléon Buonaparte, empereur des Français, précédée d'un tableau préliminaire de la Révolution française, par sir Walter Scott (Paris, Charles Gosselin, Treuttel et Wurtz, A. Sautelet et Cie, 1827, 18 vol. in-18).



Histoire de la Garde nationale de Paris, depuis l'époque de sa fondation jusqu'à l'ordonnance du 29 avril 1827 (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, in-8), par Ch. Comte, auteur du Censeur européen.




Histoire de la contre-révolution en Angleterre, sous Charles II et Jacques II (Paris, A. Sautelet, 1827, in-8), par Armand Carrel.



Manuel du juré, ou Exposition des principes de la législation criminelle, dans ses rapports avec les fonctions de juré (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1827, in-8), par Victor Guichard et J.-J. Dubochet, avocats à la Cour royale de Paris.


Manipulations chimiques, par Faraday, professeur de chimie à l'Institut royal de Londres (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), traduit de l'anglais par Maiseau.



Traité de législation (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 4 vol. in-8), par Charles Comte, avocat à la Cour royale de Paris.


Histoire de New-York, depuis le commencement du monde jusqu'à la fin de la domination hollandaise (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), par Diedrick Knickerbocker [pseudonyme de Washington Irving], auteur du Sketch Book.


Histoire du soulèvement des Pays-Bas sous Philippe II, roi d'Espagne (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, 2 vol. in-8), par le marquis de Chateaugiron, membre du conseil-général du département de la Seine.


Procès de la relation historique des obsèques de M. Manuel (Paris, Sautelet, 1827, in-8). Les obsèques de Jacques-Antoine Manuel (1775-1827), député de la gauche, furent l'occasion d'une grande manifestation populaire.


Mémoires sur la cour d'Élisabeth, reine d'Angleterre, par Lucy Aikin (Paris, A. Sautelet et Cie, Charles-Béchet, 1827, 3 vol. in-8).


Lettres sur les élections anglaises, et sur la situation de l'Irlande (Paris, Sautelet, 1827, in-8), par Prosper Duvergier de Hauranne.


Lettre de la girafe au pacha d'Égypte, pour lui rendre compte de son voyage à Saint-Cloud (Paris, A. Sautelet et Cie, 12 juillet 1827, in-8), par Girafe de Sennaar [pseudonyme].



Lettre à Monsieur le rédacteur du Journal des débats sur l'état des affaires publiques, par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie, 12 juillet 1827, in-8).



Seconde lettre de la girafe au pacha d'Égypte, en lui envoyant son album enrichi des dernières noirceurs de la censure (Paris, A. Sautelet et Cie, 8 août 1827, in-8), par Girafe de Sennaar [pseudonyme].


Insolences de la censure, et considérations sur la politique en général du ministère, par N. A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie, 1827, in-8).


Charles Sept à Jumiège. Édith, ou le champ d'Hastings. Poèmes, suivis de poésies, par Ulric Guttinguer (Paris, Sautelet et Cie, 1827, in-8).


Lettres sur l'histoire de France pour servir d'introduction à l'étude de cette histoire, par Augustin Thierry (Paris, Sautelet et Compagnie, Ponthieu et Compagnie, 1827, in-8).


Roméo et Juliette, nouvelle de Luigi da Porto (Paris, Sautelet et Compagnie, 1827, in-8).


Œuvres complètes de J. Fenimore Cooper (Paris, Charles Gosselin, Mame & Delaunay-Vallée, A. Sautelet & Cie, 1827-1830, 27 vol. in-18). Frontispices, vignettes et cartes dessinés et gravés à l'eau-forte par Alfred et Tony Johannot. Sautelet fit connaître Fenimore Cooper en France.

1828


Revue française (Paris, A. Sautelet et Cie, N° I-janvier 1828 au N° VI-novembre 1828). Continuée par Alexandre Mesnier, place de la Bourse, à partir du N° VI-janvier 1829.


Lettres sur le système de la coopération mutuelle et de la communauté de tous les biens, d'après le plan de M. Owen. Par Joseph Rey, de Grenoble (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, in-8).


L'Éducation progressive, ou Étude du cours de la vie ; par Mme Necker de Saussure (Paris, A. Sautelet & Cie, 1828, t. I). Le tome II a été édité en 1844 par Paulin et Garnier frères.


Physiologie du goût, ou Méditations de gastronomie transcendante [2e édition] (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.


Essai sur l'histoire générale du christianisme, par Charles Coquerel. Seconde édition (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, in-8).


Proverbes dramatiques, par M. Théodore Leclercq [5e édition] (Paris, A. Sautelet et Cie, 1828, 6 vol. in-8).


Voyage en Italie et en Sicile, par L. Simond, auteur des Voyages en Angleterre et en Suisse (Paris, A. Sautelet et Compagnie, 1828, 2 vol. in-8).



" Pauvre crâne vide, que me veux-tu dire avec ce grincement hideux ?" 

Faust, tragédie de M. de Goethe, traduite en français par M. Albert Stapfer, ornée d'un portrait de l'auteur, et de dix-sept dessins composés d'après les principales scènes de l'ouvrage et exécutés sur pierre par M. Eugène Delacroix (Paris, Ch. Motte et Sautelet, 1828, in-fol.).
Premier véritable livre de peintre. Il faudra attendre 1874 pour voir Manet illustrer Le Fleuve de Charles Cros.
Dans le livre de peintre, l'artiste ne doit pas être interprété par un graveur, mais doit graver lui-même. Au XIXe siècle, l'invention de la lithographie leva cet obstacle majeur entre le peintre et le livre : l'artiste put désormais dessiner sur une pierre comme sur du papier.

A. Sautelet et Compagnie s’associa en avril 1828 avec différents éditeurs [Aimé André, Hector Bossange, Bachelier, Firmin Didot père et fils, A. et W. Galignani, Janet et Cotelle, F. G. Levrault, Jules Renouard, Treuttel et Wurtz] pour fonder à Bruxelles la Librairie parisienne, française et étrangère [438 rue de la Madelaine (sic)], et combattre ainsi sur son propre terrain la contrefaçon belge.


Œuvres complètes de P. L. Courier, ornées du portrait de l'auteur (Bruxelles, Librairie parisienne, française et étrangère, 1828, 4 vol. in-8).


En juin 1828, Sautelet déménagea de la place de la Bourse au 14 rue de Richelieu [Ier].


Poésie française au seizième siècle. Tome I. Tableau historique et critique de la poésie française et du théatre [sic] français au seizième siècle, par C.-A. Sainte-Beuve (Paris, A. Sautelet et Compie, Alexandre Mesnier, 1828, in-8).


Poésie française au seizième siècle. Tome II. Œuvres choisies de Pierre de Ronsard (Paris, A. Sautelet et Compie, Alexandre Mesnier, 1828, in-8), par C. A. Sainte-Beuve.


Histoire de Michel Lambert, ou de l'influence de l'économie domestique […] par M. **** (Paris, A. Sautelet et Compagnie, Alexandre Mesnier, 1828).


Mémoires, correspondance et opuscules inédits de Paul-Louis Courier (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 2 vol. in-8).


Économie politique des Athéniens, ouvrage traduit de l'allemand de M. Auguste Boeckh (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 2 vol. in-8).


Histoire des Gaulois, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'entière soumission de la Gaule à la domination romaine (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828, 3 vol. in-8), par Amédée Thierry.


Nouveaux fragmens [sic] philosophiques, par Victor Cousin (Paris, Pichon et Didier, Sautelet et Cie, Alex. Mesnier, 1828, in-8).



Œuvres complètes de Thomas Reid, chef de l'École écossaise, publiées par M. Th. Jouffroy [2e édition] (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1828-1829, 6 vol. in-8).

1829


Histoire de la navigation intérieure de la France (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par J. Dutens.


Histoire du droit municipal en France (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Raynouard.


Histoire de Pologne avant et sous le roi Jean Sobieski. Par N.-A. de Salvandy (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 3 vol. in-8).


Théorie des richesses sociales, par le comte Frédéric Skarbek (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8).


Œuvres de P. E. Lemontey, de l'Académie française (Paris, A. Sautelet et Cie, Brissot-Thivars, Alexandre Mesnier, 1829, 5 vol. in-8).


Traité de droit pénal, par M. P. Rossi, professeur de droit romain à l'Académie de Genève (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, et Genève, J. Barbezat et Cie, 1829, 3 vol. in-8).


Manuel de l'histoire de la philosophie, traduit de l'allemand de Tennemann, par V. Cousin, professeur à la Faculté des lettres de l'Académie de Paris (Paris, Pichon et Didier, Sautelet et Cie, 1829, 2 vol. in-8).


L'Inconnu, fragments (Paris, Sautelet et Cie, A. Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Francisque-Alphonse de Syon.


Lettres sur l'histoire de France, pour servir d'introduction à l'étude de cette histoire ; par Augustin Thierry [2e édition] (Paris, Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829).


Frontispice, tome I

Physiologie du goût [sic], ou Méditations de gastronomie transcendante [3e édition] (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829, 2 vol. in-8), par Jean-Anthelme Brillat-Savarin.


Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829-1830, 21 vol. in-8).


Œuvres complètes de Paul-Louis Courier (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1829-1830, 4 vol. in-8).


Gazette littéraire, revue française et étrangère de la littérature, des sciences, des beaux-arts, etc. (Paris, A. Sautelet & Ce, 1829-1830, in-4). Continuée par Paulin.

1830


Paradoxe sur le comédien. Ouvrage posthume de Diderot (Paris, A. Sautelet et Cie, 1830).


Lettres inédites de Duché de Vanci (Paris, Lacroix et Sautelet, et Marseille, Camoin-Anfonce et Compe, 1830), par Colin et Raynaud.


Nouveau traité d'économie sociale (Paris, A. Sautelet et Cie, Alexandre Mesnier, 1830, 2 vol. in-8), par Barth.-Charles Dunoyer, ancien professeur à l'Athénée, l'un des auteurs du Censeur européen.

Les procès de presse se multipliaient alors et des condamnations étaient souvent prononcées. Parmi ces procès, trois surtout, celui du Globe, celui du National et celui de l'Association bretonne [en appel], attirèrent l'attention publique. Ces trois procès répondaient en effet aux préoccupations du moment, qui se débattaient dans la presse.
Le 10 mars 1830, Dubois, gérant du Globe, et Sautelet, gérant du National, comparurent devant la 6e chambre de police correctionnelle en présence d'une assistance considérable. Le National était poursuivi pour attaque contre les droits que le Roi tenait de sa naissance, pour attaque contre les droits en vertu desquels le Roi a donné la Charte, pour attaque à l'autorité constitutionnelle du Roi et pour provocation, non suivie d'effet, à attenter à la vie du Roi et des princes de la famille royale.
Le 19 mars, le même avocat du Roi dirigea, avec plus de violence, les mêmes accusations contre le gérant du Globe.
Le débat se prolongea pendant trois audiences encore pour les répliques du ministère public et des avocats, toujours avec la même affluence. Le 3 avril, les deux jugements furent rendus, et les deux journaux condamnés, le National comme coupable d'attaque contre l'autorité constitutionnelle du Roi, contre le droit qu'il avait de donner la Charte et contre l'ordre de successibilité au trône ; le Globe, comme coupable des mêmes délits et, en outre, d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement. En conséquence, le gérant du National fut condamné à trois mois d'emprisonnement et 1.000 francs d'amende, et le gérant du Globe à quatre mois d'emprisonnement et 2.000 francs d'amende.

Le National reçut une assignation à comparaître le vendredi 14 mai 1830 devant la 6e chambre de police correctionnelle, prévenu d'avoir commis les délits de diffamation et d'injure envers un corps constitué, le Conseil d'Instruction publique, et d'outrage envers un fonctionnaire, le ministre de l'Instruction publique, en publiant, dans Le National du 6 mai, l'article intitulé « Procès intenté à M. Dubois par le conseil de l'Université. »

Le matin du 13 mai 1830, on trouva Sautelet, gérant du National et l'un des chefs d'une des premières maisons de librairie de Paris, mort dans son lit, 10 rue Neuve-Saint-Marc [IIe] : il s'était brûlé la cervelle. Il fut inhumé au cimetière Montmartre.
Le lendemain, 14 mai, le National était signé : « A. Thiers, rédacteur en chef, signant provisoirement le journal, en remplacement de M. Sautelet, décédé. » Le National ne parlait point dans ce numéro du suicide de son gérant ; on y lisait seulement : « On a appelé aujourd'hui à la sixième Chambre, jugeant correctionnellement, l'affaire du National ; mais le gérant, M. Sautelet, étant mort hier, la cause a été renvoyée à huitaine, pour produire l'acte de décès. »

« Aujourd'hui à neuf heures du matin, les restes mortels de notre malheureux ami M. Sautelet ont été rendus à la terre.
Le deuil était conduit par M. Chignard, ancien avocat de la ville de Paris, beau-frère du défunt [Jean-François Chignard ( 1841), époux de Antoinette-Adèle Sautelet (1801-1844)]. Plus de trois cents personnes, parmi lesquelles on distinguait des députés, des hommes de lettres, des artistes, et entre autres MM. Béranger, Cousin, Dubois, Isambert, Delécluse, Manuel jeune, Scheffer, Jouffroy, de Rémusat, Lebrun, Bérard, Georges La Fayette, Mérimée, Vitet, Cauchois-Lemaire, Dunoyer, Comte, Ballanche, Armand Bertin, Tissot, etc., etc., suivaient à pied le convoi, et un grand nombre de voitures de deuil marchaient à la file. On s'étonnait, à la vue de ce nombreux concours, qu'un si jeune homme eût déjà pu devenir l'objet d'une considération si générale. La position politique qu'il avait prise depuis six mois comme représentant d'une feuille quotidienne, n'était pour rien dans les devoirs qu'on venait rendre à sa mémoire. L'étrange et déplorable nature de sa mort n'avait point non plus grossi le cortège en y amenant de simples curieux. La seule amitié, et l'amitié la plus affligée, avait fait les frais de la triste cérémonie et lui donnait un degré de pompe qui se voit rarement, même à la suite des hommes qui ont assez vécu pour jouer quelque rôle dans le monde. M. Sautelet était le compagnon d'études d'une foule d'hommes qui commencent à marquer aujourd'hui dans toutes les carrières, et, dans cette multitude de directions différentes, pas un ne s'était séparé de lui. Répandu de bonne heure dans le monde, il avait inspiré partout, sans efforts, la bienveillance à la fois douce et vive que lui-même portait dans toute sa personne. Depuis six ans, enfin, qu'il s'était fait libraire, il n'avait presque pas eu une relation d'affaires qui ne fût devenue bientôt une relation d'amitié. C'était l'un des jeunes gens de Paris les plus connus, les plus recherchés, les plus aimés. Il atteignait à peine trente ans.
Le convoi s'est rendu directement de la rue Neuve-Saint-Marc au cimetière Montmartre. Le cercueil, descendu dans la fosse, a été aussitôt recouvert, et un gémissement de tous les assistants a été le seul adieu fait à ces restes infortunés. On s'était, suivant la coutume, formé en cercle autour de la tombe, et l'on attendait, comme si la douleur commune eût voulu quelque chose de plus que le lugubre bruit de la pelle des fossoyeurs. Tous les yeux s'étaient tournés vers M. Cousin, et peut-être l'éloquent professeur allait-il céder à cette muette et unanime invitation ; mais, en ce moment, il s'est souvenu que Sautelet avait été l'un de ses élèves les plus distingués, on peut même dire un de ses disciples chéris, et ce souvenir et l'idée de cette mort cruelle ont étouffé la parole prête à sortir de sa bouche. Personne après lui ne s'est senti le courage de venir demander à l'ombre d'un malheureux jeune homme pourquoi la vie lui fut si amère, et quelle fatalité lui a fait fuir si tôt les consolations d'une amitié qui n'eût demandé que de savoir ses chagrins. On s'est dispersé, emportant une douleur au-dessous de laquelle seraient restés peut-être tous les discours.
La génération à laquelle appartenait notre malheureux ami n'a point connu les douleurs ni l'éclat de ces grandes convulsions politiques dont le souvenir fournit tous les jours, sur la tombe des hommes d'une autre époque, de si faciles lieux communs oratoires. Mais, à la suite de ces orages, qui ne peuvent se rencontrer que de loin en loin, notre génération a été plus qu'une autre en butte aux difficultés de la vie individuelle, aux troubles et aux catastrophes domestiques, circonstances faites pour intéresser partout ailleurs que sur le bord d'une tombe.
Peut-être l'ami que nous regrettons a-t-il été de très bonne heure l'une des plus touchantes et des plus pitoyables victimes de ces obscures tribulations qui peuvent accabler une destinée à peine formée ; on n'a que trop lieu de le croire. Mais il faut laisser étendu sur sa tombe un voile qu'il n'a pas voulu déchirer. Ce que l'on peut rapporter de sa courte vie, c'est ce que tant de personnes qui le pleurent aujourd'hui en ont connu. Combien de nous, hommes de son âge, se souviennent de l'avoir vu, jeune encore, abandonné à lui-même, au sortir de la vie d'étudiant, qu'il avait menée tristement, entrer dans le monde avec une figure charmante, le goût de toutes les choses élevées, la facilité de mœurs la plus heureuse, l'esprit le plus ouvert, avec des manières réservées qui sentaient la défiance de soi, un laisser-aller naturel qui exprimait la confiance et qui l'inspirait à la première vue ! Accueilli comme très peu de jeunes gens l'étaient, tout lui souriait alors, et pourtant il avait déjà l'invincible pressentiment d'une mort funeste. Ce pressentiment devint, à la longue, une disposition habituelle d'esprit qu'il ne craignait plus de montrer, et que chaque contrariété nouvelle fortifiait malheureusement en lui.
Depuis plusieurs années, il avait fondé un commerce qu'il avait su rendre brillant en n'y consacrant qu'une très petite partie de son temps. On avait pu croire qu'il avait donné enfin à sa vie un intérêt capable de la lui faire aimer. Il avait montré une capacité peu commune en affaires, la sagacité et la décision d'esprit d'un véritable spéculateur ; il avait su se placer au-dessus de sa besogne, et pourtant n'en mépriser aucun détail, rester homme du monde en faisant son état, travailler en marchand et ne pas descendre d'une certaine hauteur intellectuelle à laquelle ses excellentes études et la portée naturelle de son esprit l'avaient placé. Il était dans cette situation lorsqu'il se joignit à nous, et nos lecteurs n'ont point oublié avec quelle fermeté pleine de mesure et quel sentiment parfait de ses convenances personnelles il s'était dernièrement présenté pour soutenir devant les tribunaux celles de nos opinions qui lui avaient valu une condamnation qu'il était au moment de subir.
Voilà l'homme que nous avons perdu. Faut-il dire qu'il a conduit son dessein avec une résolution, une présence d'esprit, un calme désespérant ; que c'est après avoir employé une nuit entière à mettre ordre à ses affaires et à écrire à ses amis qu'il s'est frappé ; qu'enfin, par la plus déplorable des fatalités, il a échappé, le soir même de la catastrophe, à une conversation cherchée par celui de ses amis qui avait le plus d'intérêt à l'observer, conversation qui devait infailliblement l'amener à une confidence et sauver ses jours ? Tous il nous a fallu nous rappeler de ces cruels indices qui n'acquièrent de valeur que quand il n'est plus temps … Que ce sera-t-il passé dans cette âme formée aux leçons de Cousin, et qui croyait à sa propre immortalité, qui tous les jours avec nous se consolait à y croire ? Entre la dernière lettre, écrite à cinq heures et demie du matin, et le coup fatal, quelques minutes se sont passées encore. Qui nous dira les terribles délibérations auxquelles ce peu de minutes a été employé ? Du moins l'infortuné n'a point eu à essuyer de convulsions physiques : sa mort a été aussi prompte que la fatale explosion. […]
Il écrivit quinze lettres ; la dernière à cinq heures du matin. Celle-ci, adressée à une famille [Albert Stapfer] qui n'était pas la sienne, mais qui lui en avait tenu lieu pendant les malheurs d'une jeunesse quelquefois pauvre et abandonnée, commençait par ces mots, qu'on ne saurait lire sans attendrissement : “ La nuit est bien avancée, et je n'ai plus guère de présence d'esprit pour vous entretenir de la résolution que j'ai prise. Si ma nature faible, indolente, avait pu être changée, elle l'aurait été par vous tous… J'ai été incorrigible...” […]
On n'entendit point l'arme à feu. Le théâtre de la catastrophe était une petite chambre située à l'extrémité la plus reculée d'un appartement très vaste. Ce ne fut qu'à l'heure où l'on entrait habituellement chez lui, dans la matinée, qu'on le trouva baigné dans son sang et déjà refroidi. »
(Œuvres politiques et littéraires d'Armand Carrel. Paris, F. Chamerot, 1859, t. V, p. 305-309 et p. 321-322 )

« De nombreuses oraisons funèbres ont été faites en l'honneur du libraire Sautelet, qui a mis fin à ses jours, la semaine dernière, par un suicide. Il étoit entrepreneur de deux journaux, qui, apparemment, ne contribuoient pas à réveiller en lui les principes de religion. Ses amis paroissent émerveillés de la quantité de monde qui s'est fait un devoir de l'accompagner au champ du repos. La chose n'est cependant pas si difficile à expliquer : c'étoit un de ces enterremens comme ils les aiment, et qui n'exposent point les gens à s'enrhumer dans les églises, ainsi que le craint l'honorable M. Bavoux. Or, ils doivent savoir qu'il existe à Paris quelques mille amateurs qui ne cessent d'épier ces sortes de bonnes fortunes, pour aller recueillir les beaux discours qui se prononcent aux funérailles sans prêtres : cette fois-ci, néanmoins, les curieux ont été trompés dans leur attente ; M. le professeur Cousin, dont le défunt avoit été le disciple, s'est trouvé tout à coup sans voix, et, au grand étonnement de l'assistance, il a laisser enterrer M. Sautelet sans panégyrique. Il aura compris que cette inhumation, et surtout le genre de mort qui l'avoit amenée, ne sentoient pas trop la bonne école, et que, pour un grand maître de philosophie, il n'y avoit pas là de quoi se vanter. » [sic]
(L'Ami de la religion, journal ecclésiastique, politique et littéraire. Paris, Adrien Le Clere et Cie, 1830, t. 64, mercredi 19 mai 1830, N° 1646, p. 42-43)

« Vous me demandez, mon cher ami, de vous détailler les causes de l'acte de désespoir auquel s'est porté notre malheureux Sautelet. Hélas ! il en est mille. Tout a concouru à amener ce funeste événement. Le peu de secours qu'il avait trouvé dans sa famille, lui fit entreprendre la librairie avec l'argent d'autrui, ce qui rendait nécessaire de sa part une économie dont il ne fut jamais capable. Il s'ensuivit que pendant que les affaires de sa maison prospéraient, les siennes propres allaient de mal en pis. Cette situation critique le devint bien davantage par suite de sa liaison avec Mme B***, liaison qui l'empêcha deux années durant de s'occuper de son industrie, et le jeta dans des dépenses disproportionnées avec ses moyens. Pour se tirer d'embarras, il alla jusqu'à engager sa propriété. Le temps était venu où il ne pouvait plus rien dissimuler à Paulin. Il n'a pas eu la force de lui faire cet aveu de son vivant. Ajoutez à cela l'horrible chagrin où l'avait plongé la conduite de Mme B*** à son égard, la perspective d'une détention qui devait lui ôter tout moyen de s'occuper de ses affaires personnelles. Que sais-je encore ? Peut-être des motifs plus secondaires, des misères, des riens. Quand la coupe est remplie, une goutte d'eau la fait déborder. Comment se fait-il, dites-vous, que nous n'ayons rien deviné ? Ah ! mon cher ami, son air de franchise le servait si merveilleusement, lorsqu'il voulait cacher ce qu'il éprouvait. Vingt fois Paulin, se doutant de l'état de ses affaires, s'était jeté à ses genoux pour obtenir un aveu, et toujours Sautelet, à force de paraître calme, avait fini par le tranquilliser. Pour son chagrin de cœur, ses propos sur Mme B*** nous avaient convaincus qu'il n'en ressentait aucun. La misérable femme !... Mais nous causerons de tout cela dans un mois.
Sachez maintenant que, Dieu merci, on a trouvé moyen de tout arranger. Paulin, grâce à un secours momentané, fera honneur à ses engagements. M. Chignard s'est parfaitement conduit, et la douleur de sa femme va au delà de ce que j'aurais attendu.
Mes parents étaient partis pour Taley deux jours avant l'affreuse catastrophe. Ma mère est dans une affliction profonde ; c'est pour elle, à bien peu de chose près, comme si elle avait perdu un de ses fils.
Venez, mon cher Ampère, venez combler le vide qui s'est fait près de moi ; venez parler de cet être excellent, unique. Sa perte est comme un lien de plus qui m'attache à vous. Il était si rare que nous nous vissions sans qu'il fût en tiers dans nos entrevues ! Ou sa personne même était présente, ou nous parlions de lui.
Adieu, je vous embrasse de cœur. »
(Albert Stapfer à J.-J. Ampère, Paris, 4 juin 1830. In André-Marie Ampère et Jean-Jacques Ampère. Correspondance et souvenirs. Paris, J. Hetzel et Cie, 1875, t. II, p. 22-24)

« Un des premiers de cette nouvelle génération qui ait porté sur lui-même des mains violentes, ce fut M. Sautelet, le jeune libraire qui avait assisté à la double naissance de deux grandes feuilles entourées d'estime et d'adhésions unanimes, la Gazette des Tribunaux et le National. M. Sautelet, par son esprit net et vif ; par la grâce et l'éloquence de sa parole, par sa jeunesse, par les amitiés qui l'entouraient, par le charme d'un noble cœur, était réservé à un grand avenir. Il avait pour associé M. Paulin, un homme excellent, dévoué, d'un rare mérite, d'une intelligence éprouvée, et qui l'aimait comme on aime son propre frère ; il avait pour ami intime Armand Carrel ; Carrel a écrit l'oraison funèbre de Sautelet en quelques pages stoïques, intitulées : De la mort volontaire. Ainsi, pour Sautelet, il n'y avait que des promesses heureuses ; son nom sur un livre était une garantie, et déjà il avait obtenu deux ou trois de ces rares succès dans la vie d'un libraire qui suffiraient à toute une fortune. Il était l'éditeur des Mémoire de M. le duc de Saint-Simon, que la censure impériale avait mutilés et réduits de moitié, que MM. Sautelet et Paulin publiaient in extenso, pour la première fois, dans une édition excellente, et dont les exemplaires, très-recherchés de ceux qui aiment les bons livres, ont doublé de prix aujourd'hui. Avec les Mémoires de Saint-Simon et la Physiologie du goût, autre publication de M. Sautelet, un de ces livres qui ont leur place, une maison de librairie serait riche à tout jamais : par quel accident, par quelle méprise a-t-on vu ce jeune homme attenter à sa vie, à l'instant même où ses amis allaient triompher de cette monarchie qu'ils avaient vouée à l'exil ? La mort de Sautelet fut un événement dans tout Paris, elle fut un deuil pour beaucoup de gens, malheureusement elle fut un exemple pour plusieurs qui, certes, n'étaient pas des héros, et qui ne demandaient pas mieux que de vivre, en attendant la fortune et la gloire. »
(Jules Janin. Histoire de la littérature dramatique. Paris, Michel Lévy frères, 1855, t. I, p. 63-64)

Saisie des presses du National
27 juillet 1830































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