vendredi 23 octobre 2015

Amédée Rigaud (1819-1874) identifié





Fils de Gaspard Rigaud et de Mélanie-Geneviève Musnier, mariés depuis 1818, Jacques-Amédée Rigaud est né à Paris, le 5 mars 1819. En 1846, il épousa Marie-Léonie Moisant et succéda à son oncle, agent de change. Il se démit de sa charge en 1866, peu de temps après la mort de son père.

Il commença à se créer une bibliothèque en 1852.

« A cette époque, on trouvait encore des occasions : il sut en profiter et s’enrichir de beaux et bons ouvrages sur mille sujets divers ; des livres de choix et des livres utiles. Car Rigaud n’était pas seulement un amateur, un curieux, il fut un lecteur assidu, acharné ; ses livres, il les lisait, il les relisait sans cesse. Il était parvenu, grâce à leur fréquentation, à connaître à fond l’histoire et la littérature des trois derniers siècles. Lorsque la mort vint le surprendre, il préparait un catalogue raisonné de sa bibliothèque, qu’il nous a été permis de voir, et qui est un modèle d’érudition  critique et de science bibliographique. »
(P. L. Jacob, bibliophile. In Catalogue […] de feu Amédée Rigaud. Paris, A. Aubry, 1874, p. XV)



Il plaça son ex-libris circulaire sur le contreplat supérieur de tous ses ouvrages : sur papier noir, avec, en lettres dorées, l’initiale « R » entourée de la devise de l’imprimeur lyonnais Benoit Rigaud († 1597), « BONA FIDE SINE FRAVDE » [De bonne foi sans dommage].



Certains volumes portent  en outre le monogramme « AR » sur les plats, poussé en or ou à froid.

En 1869, Amédée Rigaud fut reçu membre de la Société de l’Histoire de France.
Il mourut brutalement en son domicile parisien, 12 rue Fortin [VIIIe], le 28 janvier 1874.

La première partie de sa bibliothèque fut vendue à l’Hôtel Drouot, du 28 avril au 6 mai 1874, en 8 vacations : Catalogue des livres composant la bibliothèque de feu M. Amédée Rigaud agent de change honoraire, bibliophile (Paris, Auguste Aubry, 1874, in-8, XIX-[1 bl.]-188 p., 1.489 lots).  

« La bibliothèque de feu Amédée Rigaud, qui va, comme tant d’autres, comme les plus belles et les plus précieuses, tomber et se dissiper sous le terrible marteau du commissaire-priseur, avait été formée ou commencée depuis plus de vingt ans, et elle représente cependant le goût des livres actuels, le dernier goût, le bon goût de la bibliophilie. Ce goût-là, Amédée Rigaud l’avait ressenti et pressenti, quinze ou vingt ans avant les bibliophiles ou bibliomanes (l’un et l’autre se disent en très-bonne part) de l’an de grâce 1874 ; goût délicat, raffiné, élégant, qui ne sent pas le moins du monde sa République.
C’est le goût des belles et charmantes éditions françaises du dix-huitième siècle, avec leurs estampes magistrales d’après Coypel, Cochin, de Sève, le Barbier, etc., leurs intéressantes suites de figures d’après Gravelot, Boucher, Moreau, Marillier, Monnet, etc. ; leurs exquises vignettes d’après Eisen, etc. ; avec leurs superbes portraits gravés par Fessard, Ficquet, Savard, Grateloup, Odieuvre, etc. Peut-on comprendre aujourd’hui que, pendant trois quarts de siècle au moins, ces merveilles du dessin, de la gravure, de la typographie, aient été négligées, dédaignées, abandonnées ? […]
Il y a vingt ans que notre regretté Amédée Rigaud avait ouvert à ces pauvres déshérités l’asile de ses armoires d’acajou ; il y a vingt ans qu’il se préoccupait de choisir et de faire soigneusement relier de bons exemplaires de tous ces livres, aujourd’hui si recherchés, et qui le seront encore davantage. […]
La bibliothèque de feu Amédée Rigaud est donc, avant tout, une petite, une gracieuse bibliothèque du dix-huitième siècle. On peut donc appliquer au Catalogue de cette bibliothèque le titre que le libraire Mérigot l’aîné donnait, en 1782, au Catalogue anonyme de la bibliothèque d’un aimable et intelligent financier, nommé Desbrière : Catalogue de livres singuliers, facétieux, choisis et amusants. On ne trouve pas, en effet, dans la bibliothèque d’Amédée Rigaud, beaucoup d’ouvrages du genre ennuyeux, de ce genre redouté, qui a produit tant et tant de volumes remarquables, qu’on respecte et qu’on ne touche jamais. Dans cette bibliothèque, la Théologie n’offre que quarante-huit numéros, et encore ce ne sont que de beaux livres d’heures manuscrits ou imprimés, des volumes en vieux maroquin aux armes, des raretés ou plutôt des singularités. La Jurisprudence n’a que huit numéros, dont la Charte constitutionnelle avec les figures de Monnet. La classe des Sciences et arts est beaucoup plus riche, et les livres, les grands livres à figures, n’y font pas défaut. Mais la véritable richesse de la bibliothèque est dans la classe des Belles-lettres, et c’est bien là le dix-huitième siècle : poésies, romans, contes, théâtre, facéties, polygraphes. Puis, surtout et partout, des estampes et des vignettes du plus beau choix. […]
Les ouvrages que Amédée Rigaud a réunis de préférence ne sont pas encore les plus rares, mais ils sont déjà les plus estimés et les plus recherchés. Leur prix augmente tous les jours, et l’on ne sait pas où s’arrêtera cette hausse qui n’a rien de factice, car ce ne sont pas les libraires qui l’ont faite ; ce sont les amateurs qui se disputent entre eux les beaux livres à figures, que la librairie ancienne et moderne a trop longtemps laissés dans l’oubli. Amédée Rigaud, comme je l’ai déjà dit, connaissait bien ses livres ; il les avait tous lus, et, s’il eût vécu plus longtemps, il n’aurait pas manqué de les relire encore. Les livres sont des amis ; l’affection qu’on a pour eux se mesure au plaisir qu’on prend à les relire. Amédée Rigaud a si bien lu les siens, qu’il en a fait un Catalogue raisonné, très-étudié, très-détaillé, qui eût mérité peut-être d’être publié, si les bibliophiles savaient se borner dans les catalogues qu’ils font de leurs livres. [sic]
(Ibid., p. V-XIV)

Théologie [48 lots = 3,2 %], Jurisprudence [8 lots = 0,5 %], Sciences et Arts [172 lots = 11,6 %], Belles-Lettres [871 lots = 58,5 %], Histoire [390 lots = 26,2 %].

Drouot, 18 mars 2010 : 2.900 €

120. Ouvrage de Pénélope ; ou Machiavel en médecine. Par Aletheius Demetrius (La Mettrie). Berlin, 1748, 3 vol. in-12, mar. r., fil. tr. dor. (Rel. anc.). Édition originale, bien complète des cartons signalés par Stoddard.



Londres, 14 mai 2013 : 2.500 £
Antiquariat In Libris, Vienne (Autriche), 2015 : 12.500 €

157. La Vénerie de Jacques du Fouilloux, seigneur dudit lieu, gentil-homme du pays de Gastine en Poictou. Paris, en la boutique de L’Angelier, chez Claude Cramoisy, 1624, in-4, mar. noir à comp. semé de lions, doublé de mar. r. à large dent. (monogramme au milieu), gardes en soie cerise. (57 fig. sur bois). Rel. par Cuyls. Timbre humide des princes de Öttingen-Wallerstein sur la page de titre.    

Rouen, 16 décembre 2010 : 300 €
Librairie Dechaud, 2015 : 1.500 €

240. Les Iliades d’Homère, prince des poëtes, traduict de grec en vers françoys, par Hugues Salel, abbé de Saint-Chéron. L’augmentation outre les précédentes impressions, l’umbre dudict Salel, par Olivier de Magny. [… ] Autres poésies par P. de Ronsard, gentil-homme. Paris, Claude Gautier, 1571. [À la suite :] Premier et second livre de l’Odissée d’Homère. Par Jacques Peletier du Mans. Paris, Claude Gautier, 1570. In-8, v. viol., fil., tr. dor. (Purgold).

Drouot, 15 mars 2007

739. Splendeurs et misères des courtisanes, par M. de Balzac. Paris, L. de Potter, 1845, 3 vol. in-8, cart. n. rog. Édition originale de la seconde partie.

Paris, 21 mars 2012 : 1.500 €

1.015. Lettres de Marie Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, à madame la comtesse de Grignan, sa fille. S. l., s. n., 1726, 2 vol. in-12, mar. bleu, tr. dor. Portraits ajoutés de Mme de Sévigné et de Mme de Grignan. Seconde édition originale, dite « de Rouen ». Exemplaire réglé. Complet des feuillets d’errata.

Morel de Westgaver : 100 €

1.262. Mémoires de Madame la marquise de Pompadour, […]. Écrits par elle-même, et publiés par R. P. Paris, Ve Lepetit, 1808, 5 vol. in-12, demi-rel. mar. vert, 2 portraits. 

Librairie Bertran, 2015 : 1.200 €

1.369. L’Histoire de Chelidonius Tigurinus sur l’institution des princes chrestiens, & origine des royaumes, traduite de Latin en François, par Pierre Boistuau, surnommé Launay, natif de Bretaigne. Paris, Vincent Norment et Jeanne Bruneau, 1564, pet. in-8, mar. br., tr. dor., monogramme.

Paris, 28 mai 2004 : 2.800 €

1.401. Histoire de Charles VII roy de France, par Jean Chartier, sous-chantre de Saint-Denys, Jacques Le Bouvier, dit Berry, roy d’armes, Mathieu de Coucy, et autres autheurs du temps. […], par Denys Godefroy. Paris, Imprimerie royale, 1661, in-fol., mar. bleu du Levant, tr. dor., semé de fleurs de lis d’or sur le dos et les plats. (Rel. mod.).


La vente de la seconde partie, beaucoup moins importante, eut lieu les vendredi 5 et samedi 6 juin 1874 : Catalogue des livres anciens et modernes composant la seconde partie de la bibliothèque de feu M. Amédée Rigaud (Paris, J.-B. Dumoulin, 1874, in-12, 37 p.).

lundi 19 octobre 2015

Une méthode rigoureuse pour traiter de la bibliophilie et de son histoire.




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Une Préface de Yann Sordet, directeur de la Bibliothèque Mazarine.


Des textes inédits, avec retour obligatoire aux sources, archives et monuments.



160 illustrations, dont de nombreuses inédites.





Une présentation inédite du résultat des ventes publiques des bibliothèques.




160 biographies, inédites par leur précision documentaire.


Pour les 40 souscripteurs : un supplément inédit, illustré en couleur, au nom imprimé du souscripteur.



Tirage limité.

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samedi 17 octobre 2015

La Bibliothèque Bigot

La bibliothèque de la famille Bigot, normande et originaire du Perche, fut célèbre dans toute l’Europe savante du xviie siècle.




Petit-fils d’Étienne Bigot, orfèvre à Rouen [Seine-Maritime], Jean [II] Bigot, fils du lieutenant-général du bailli de Rouen, naquit dans cette ville le 18 mars 1588.
Il épousa, à Rouen, le 18 décembre 1613, Barbe Groulart, fille de Claude Groulart, qui avait été premier président du Parlement de Rouen de 1585 à 1607, et l’un des plus doctes philologues de son temps. Elle lui donnera dix-neuf enfants.
En 1621, il acheta la terre de Sommesnil [Seine-Maritime] à Henri Groulart, son beau-frère, et fit abattre l’ancien château. 



Mais, de son projet gigantesque de reconstruction, il n’a été exécuté que les communs (remise, écurie, maisons de garde, de concierge et de domestiques) dans le « style Médicis » et les deux portes de l’entrée, qui semblent deux vrais arcs de triomphe.
Il finit par devenir doyen de la Cour des Aides de Normandie.

Dans son hôtel de la rue du Moulinet [détruit en 1840 lors du percement de la rue Alain Blanchard], Jean Bigot forma une bibliothèque :

 « composee de plus de 6000. volumes, entre lesquels il y a plus de 500. manuscrits tres-bons & bien rares, lesquels il communique facilement à ceux qui en ont besoin pour le public, en quoy il sera à iamais louable. » [sic]
(Louis Jacob. Traicté des plus belles bibliotheques publiques et particulieres, qui ont esté, & qui sont à present dans le monde. Paris, Rolet le Duc, 1644, p. 681).

Il se procura des manuscrits dans les bibliothèques de quelques amateurs normands et, surtout, dans les bibliothèques des abbayes de La Trinité de Fécamp [Seine-Maritime], Notre-Dame du Bec-Hellouin [Eure], de Conches-en-Ouche [Eure], du Mont-Saint-Michel [Manche], de Saint-Étienne de Caen [Calvados], de Saint-Évroult [Orne], de Saint-Taurin d’Évreux [Eure], de Saint-Wandrille [Saint-Wandrille-Rançon, Seine-Maritime], du Valasse [Gruchet-le-Valasse, Seine-Maritime], et de Valmont [Seine-Maritime] ; dans les bibliothèques des prieurés de Notre-Dame de Gournay-sur-Marne [Seine-Saint-Denis] et de Bonne-Nouvelle de Rouen ; dans les bibliothèques de la cathédrale d’Évreux [Eure] et des églises de Bayeux [Calvados], de Coutances [Manche], d’Écouis [Eure], d’Évreux, de Lisieux [Calvados], de Rouen, de Sées [Orne].  




Il fit graver un ex-libris portant ses armes, « D’argent, au chevron de sable, chargé au sommet d’un croissant d’argent, accompagné de trois roses de gueules », dont quatre modèles furent adaptés aux formats des livres : 150 x 90 mm. et 55 x 50 mm., avec son nom « Iohannes Bigot » ; 93 x 79 mm. et 60 x 45 mm., sans son nom.

Il fut en particulier en relation avec l’historiographe André du Chesne (1584-1640), le Père Frédéric Flouet (1584-1662) et le généalogiste Pierre d’Hozier (1592-1660).



Il mourut à Rouen, le 15 avril 1645, et fut inhumé dans le chœur de l’église Saint-Laurent [aujourd’hui Musée Le Secq des Tournelles, rue Jacques Villon]. 



Selon ses volontés, son cœur fut rapporté dans l’église de Sommesnil, bâtie dans les grandes avenues du château dont elle était comme la chapelle, et fut placé sous le lutrin, là où une dalle de marbre noir montrait un cœur en relief, avec cette inscription qui finit par s’ effacer : « Icy repose le cœur de Jean Bigot […] lequel trespassa […] 1645. Priez Dieu pour luy. »

Son fils Émery Bigot, dit « Louis-Émeric », conseiller au Parlement de Rouen, était né à Rouen le 23 octobre 1626.

« L’amour qu’il avoit pour les sciences, fit qu’il s’éloigna de toutes sortes d’emplois pour se consacrer tout entier à l’étude dans la bibliothèque qu’il avoit euë de son père, qu’il augmenta considérablement. Il y tenoit toutes les semaines [le jeudi] des conférences, & se rendoit utile à tous les Sçavans de l’Europe, soit par ses lumières & ses avis, soit par les services qu’il s’empressoit de leur rendre. » [sic]
(Louis Moréri. Le Grand Dictionnaire historique (Bâle, Jean Brandmuller, 1731, t. II, p. 254)

Il visita les grands dépôts littéraires de la France, de la Hollande (1657), de l’Allemagne (1657-1658), de l’Italie (1659),  et de l’Angleterre. Il y étudia particulièrement les manuscrits grecs. 




Il découvrit, dans la Bibliothèque du Grand Duc, à Florence, le texte grec de la vie de saint Chrysostome (347-407) attribué à l’évêque Pallade, et le publia avec cinq autres pièces grecques anciennes, qui n’avaient point encore vu le jour, le tout accompagné de la version latine d’Ambroise le Camaldule (1386-1439) : De vita S. Johannis Chrysostomi dialogus (Paris, Veuve Edme Martin, 1680, in-4). 
Il fixa aussi son attention sur les manuscrits des abbayes normandes, à Évreux, à La Vieille-Lyre [Eure] et au Bec, en 1665.





Il posséda quatre modèles d’un ex-libris portant ses armes, « D’argent, au chevron de sable, accompagné de trois roses de gueules », avec son nom « L. E. Bigot » : 74 x 70 mm., 80 x 74 mm., 53 x 50 mm., 49 x 42 mm. Ils sont signés d’un monogramme formé d’un B et d’un D enlacés.



Émery Bigot avait aussi un fer à dorer.

Il comptait parmi ses amis Gilles Ménage (1613-1692), chez qui il logeait à chaque fois qu’il allait à Paris, Nicolas Heinsius (1620-1681), Antoine Vyon d’Hérouval (1606-1689), Jacques Basnage (1653-1723), Jean-Baptiste Cotelier (1629-1686), Jean Chapelain (1595-1674), Charles de Sainte-Maure (1610-1690), Richard Simon (1638-1712), Étienne Baluze (1630-1718), Jean Mabillon (1632-1707), Charles du Cange (1610-1688).

« Emericus Bigotius étoit de l’Assemblée que M. Dupuy, Garde de la Bibliotheque du Roy tenoit tous les jours chez lui avec Messieurs Grotius, Boüilleau, Blondel, de Launoy, Guiet, Ménage, Thoinart & plusieurs autres. » [sic]
(Vigneul-Marville. Mélanges d’histoire et de littérature. Paris, Claude Prudhomme, 1713, t. III, p. 257-258)

En 1682, après la mort de ses frères, Jean [III] et Nicolas, il voulut empêcher la dispersion de sa bibliothèque : par testament, il ordonna que le prix de ses meubles fût employé à l’acquisition d’un fonds, dont le revenu joint à une partie de ses acquêts, servirait à acheter chaque année de nouveaux livres.

Il mourut d’apoplexie à Rouen, le 19 décembre 1689, célibataire, et fut inhumé le lendemain dans le chœur de l’église Saint-Laurent, « à main gauche au pied du balustre du Sanctuaire devant la Chapelle de M. le Président Bigot. » (De Moléon. Voyages liturgiques de France. Paris, Florentin Delaulne, 1718, p. 417).

« On trouve dans la Bibliotéque de M. Bigot, tous les anciens Auteurs Grecs & Latins trés-bien conditionnez, quantité de petits Livres rares sur des matiéres singuliéres, & des piéces fugitives qu’on auroit peine à rencontrer ailleurs. Au reste cette Bibliotéque n’est pas complette. Il y manque bien des suites ; & c’est sans doute ce qui a empêché M. Bigot d’en faire le Catalogue, comme on l’en avoit prié.
Ses amis depuis sa mort, qui fut subite, avoient promis de donner au Public ses Lettres, & celles des Savans avec qui il avoit commerce ; mais on a reconnu quelles n’en valoient pas la peine. On ne sait point ce qu’est devenu le Catalogue qu’il avoit dressé de tous les Auteurs Grecs. Ce qu’il a laissé de bon, & qui mériteroit d’être recuëilli, ce sont les Notes savantes qu’il a écrites de sa main sur des papiers volans, & dans les marges du Tresor Grec d’Henry Estienne, de Plutarque & de quelques autres. » [sic]
(Vigneul-Marville. Mélanges d’histoire et de littérature. Paris, Claude Prudhomme, 1713, t. I, p. 206)
        
La bibliothèque, estimée à plus de 40.000 livres, fut confiée à son cousin issu de germain, Robert Bigot (1634-1692), seigneur de Montville [Seine-Maritime], conseiller au Parlement de Paris. 





Celui-ci fit graver, pour cette bibliothèque, un ex-libris [80 x 67 mm.], à ses armes et portant son nom « Ro. Bigot ».

Quelques années après sa mort, la bibliothèque fut achetée par trois libraires de Paris, installés rue Saint-Jacques [Ve] : Jean Boudot (1651-1754), Charles Osmont (1668-1729) et Gabriel Martin (1679-1761).    
Sur leurs instructions, Prosper Marchand (1678-1756) en rédigea le catalogue. Ce fut son premier catalogue de vente. Il en reconnaît lui-même la paternité en 1709, dans son Catalogus librorum bibliothecae domini Joachimi Faultrier, mais y renie le système bibliographique qu’il avait employé, perdant ainsi toute possibilité de partage de paternité du système bibliographique dit « des libraires de Paris », auquel Martin demeurera toujours fidèle.



La vente de la bibliothèque de Jean [III], Nicolas et Louis-Émeric Bigot eut lieu à partir du 1er juillet 1706, au Collège de Maître Gervais, rue du Foin, à l’angle de la rue de Boutebrie [Ve] : 


Bibliotheca Bigotiana. Seu catalogus librorum, quos (dum viverent) summâ curâ & industriâ, ingentique sumptu congessêre Viri Clarissimi DD. uterque Joannes, Nicolaus, & Lud. Emericus Bigotii, Domini de Sommesnil & de Cleuville, alter Prætor, alii Senatores Rothomagenses (Paris, Jean Boudot, Charles Osmont et Gabriel Martin, 1706, in-12, [1]-[1 bl.]-[4]-[2]-72-[1]-[1 bl.]-150 [chiffrées 73-220]-[1]-[1 bl.]-248-61-[1]-31-[1]-31-[1 bl.] p., 2.954 [i.e. 2.972] + 4.345 [i.e. 4.363] + 8.147 [i.e. 8.025] + 597 [i.e. 609] + 450 [i.e. 478] lots).



Catalogue de 16.447 lots, avec nombreuses erreurs de pagination et de numérotation [manquent nos 6.375 à 6.513, 3e partie, p. 248], 92 nos doublés [*] et 1 n° triplé [n° 905 **].
Divisé en 5 parties, par formats [I (in-fol.), II (in-4), III (in-8, in-12, etc.), IV (Appendix, seu Libri in digerendo Catalogo prætermissi), V (Catalogus codicum manuscriptorum)], et, au sein de chaque format, en cinq classes : théologie, droit, philosophie, belles-lettres et histoire.

Gabriel Martin, auteur de la « Préface », s’attarde sur l’ordre observé pour la vente : les livres seront vendus par tranches, mais « à rebours » des numéros du catalogue, à la fois pour chaque classe et pour chaque format. Il donne comme exemple les lots mis en vente le premier jour :

« Historici [Livres d’histoire]   in 8. à Num. 8147. ad 8100. exclusivò.
                                                      [du Num. 8147 au 8100 non inclus]
                                                  in 4. à Num. 4345. ad 4321.
                                                  in fol. à Num. 2954. ad 2950. »

Il en va de même pour les portions des autres classes mises en vente jour après jour, jusqu’à l’épuisement des numéros. Le libraire faisait afficher chaque jour les numéros des lots mis en vente, pour éviter aux acheteurs de manquer un exemplaire. Cet ordre de vente comporte quelques exceptions : les manuscrits, les exemplaires annotés et les éditions bibliophiles, qui seront vendus à part.
Les libraires insérèrent dans ce catalogue beaucoup de livres de la famille De Mesmes, qui n’avaient jamais appartenu aux Bigot : des manuscrits [nos 9-35-67-97-98-102-131-131*-162-163-194-195-196-201-313-314-358*] et la collection des Alde sur vélin formée par Grolier [Partie II : n° 4.015 et Partie III : nos 5.136-5.314-5.335-5.389-5.395-5.398-5.399-5.956]. Cette dernière a été déreliée, de même que les armes furent enlevées des plats des reliures, pour effacer la trace de leur provenance :

« Cette Précaution fut néanmoins fort inutile ; car, l’Empreinte de ces Armes paroissoit encore assez sur le Carton de quelques-uns de ces Livres, pour découvrir ce vain Mistere : & tout Paris se mocqua de cette mauvaise Finesse. Un des principaux Ornemens de cette belle Bibliotheque étoit un magnifique Recueil d’Auteurs Classiques, tous d’Edition d’Alde Manuce, la plûpart imprimez sur Velin, ornez de très belles Miniatures & Lettres peintes, & enrichis de cette Reliure si révérée des Savans de France à cause de l’Inscription Joannis Grollierii & Amicorum. Malheureusement, cela tomba entre les Mains d’un Gredin de Notaire, qui n’achetoit des Livres que pour en tapisser un Cabinet, & qui, absolument incapable de connoitre le Mérite de ceux-là, les fit impitoïablement dépouiller de ces Vêtemens précieux & respectables, pour les revêtir de Reliures modernes plus brillantes à son Gré : Attentat, véritablement digne de l’Indignation des Honnêtes-Gens, & qui méritoit incomparablement mieux la Berne ou les Etrivieres, que celui de ce Vieillard du Boccalin qui s’amusoit à lire des Chansons & des Madrigaux avec des Lunettes. »
([Prosper Marchand]. Histoire de l’origine et des premiers progrès de l’imprimerie. La Haye, Veuve Le Vier et Pierre Paupie, 1740, p. 96)

Malheureusement, dans le catalogue Bigot, les volumes en maroquin dignes de remarque ne sont indiqués que par les lettres « mq ».     

Les manuscrits et un grand nombre de livres imprimés furent acquis par l’abbé de Louvois, pour la Bibliothèque du Roi. 


6.750 $ (Jeremy Norman & Co)




vendredi 16 octobre 2015

Substantial Gutenberg Bible Fragment for Sale



Leaf from the Gutenberg Bible’s Book of Joshua, courtesy of Dr. Jörn Günther Rare Books. 


At London’s Frieze Masters art fair next week, the Switzerland-based Dr. Jörn Günther Rare Books will offer for sale the largest Gutenberg Bible fragment currently known in private hands or available on the market. The 13-leaf, handsomely rubricated fragment is comprised of the complete Book of Joshua and the beginning of Judges from Gutenberg’s famous Latin Bible, printed in the 1450s. The price is €2,000,000 ($2.25 million).  


According to the bookseller, Johann Gutenberg printed only 185 copies of his 42-line Bible, the first major book printed in the West using movable type. Some 48* copies have survived, only 20 of which are complete. Single leaves occasionally appear at auction (selling for $50,000 and up), and earlier this year, Sotheby’s New York sold an eight-page fragment deaccessioned from New York’s Jewish Theological Seminary for $970,000. A complete copy of the Gutenberg Bible, however, has not been seen at auction since 1978.  


In a press release, Dr. Jörn Günther Rare Books described the fragment’s provenance: “The present remarkable fragment comprising 13 leaves originates from the Bible of Mannheim Court Library, which was incorporated into the Bavarian Court Library in Munich, c. 1800 and was then sold as an incomplete duplicate. Since 1832 it was in the hands of Robert Curzon, 14th Baron Zouche (1810-1873), in whose family it remained for three generations. In the 1920s it was dispersed it in single books and leaves. Our Book of Joshua comes from the collection of the great bibliophile Otto Schäfer (Schweinfurt), who bought it in 1965 from H. P. Kraus (New York).”

*Some sources say 49. 




jeudi 8 octobre 2015

Les Gardiens de Bibliopolis




L’histoire de la bibliophilie est avant tout celle des bibliophiles, qu’ils soient particuliers de toutes professions ou rentiers, libraires, imprimeurs, relieurs, bibliothécaires, bibliographes, etc.
Tous sont collectionneurs de livres, rares, singuliers, curieux ou précieux, et ont pour but de construire une bibliothèque.
L’étude de ces « gardiens de Bibliopolis » est donc une étape préparatoire indispensable à la compréhension du phénomène bibliophilique et à son histoire.
C’est pourquoi cent soixante d’entre eux, de toutes catégories sociales, du xvie au xxe siècle, ont été choisis sur des critères éliminant l’essentiel des inconnues de leur biographie et de leur pratique bibliophilique, pour servir à l’histoire de la bibliophilie. 







Disponible le 15 novembre.
Souscription www.hexaedre.fr




In-8 [23 x 17 cm.], cousu collé avec rabats, 640 p., front. et 160 ill. en noir.

Edition courante 42 € : papier bouffant sous couverture carte 250 g.

Edition de tête 98 € : papier bouffant sous couverture Rives vergé blanc naturel 320 g.
Tirage à 40 exemplaires numérotés, nom du souscripteur imprimé.
Augmenté d'un 161bibliophile sur encart de 6 p., sur papier vergé cream, comprenant le front. en 2 états, couleur et noir, 2 photos et 1 dessin inédit du bibliophile, ill. couleur.